Aïe, Bad Beat!

Il arrive bien que les probabilités soient largement en votre faveur, vous perdiez tout de même le coup. On parle alors de bad beat, littéralement, de "mauvais coup". Et si certains sont dans la limite du supportable, d’autres peuvent rendre carrément chèvre! Imaginons par exemple que vous ayez une paire de Six en main et votre adversaire une paire de Cinq. Vous êtes favori à 82 %. Mais les cartes sont facétieuses, et vous trouvez tous les deux votre brelan au flop : V-5-6. Magnifique! Vous êtes à présent assuré de gagner le coup à plus de 9S % ! C’est presque le scénario rêvé, car votre adversaire, qui ne se doute pas de votre jeu, ne peut se sortir de ce coup avec son jeu, lui aussi énorme, et va probablement vous livrer tous ses jetons. Oui, mais voilà, si le turn est un anodin Huit, la river est un … Cinq! Le dernier du paquet, la seule et unique carte qui puisse faire gagner votre adversaire en lui donnant un carré … Terrible bad beat, et énorme coup au moral (et accessoirement au portefeuille). Et même si la tentation est grande, il ne faut jamais se focaliser sur un bad beat et se lamenter sur cette effroyable malchance qui s’acharne décidément sur vous et sur personne d’autre. Ce genre de revers fait partie intégrante du jeu, et sans ces innombrables coups du sort, le poker ne serait pas ce qu’il est: ingrat, stressant, parfois injuste mais toujours unique et passionnant. Le bon réflexe à avoir dans ce genre de situation est d’abord de se remettre en question, de se demander si on a employé la bonne stratégie, si le bad beat n’aurait pas pu être évité avec un autre schéma de jeu, si on n’avait pas donné de carte gratuite dans l’espoir d’attraper son adversaire ou encore grâce à une relance plus substantielle, etc. Il faut d’abord rester lucide, analytique, éviter de tomber dans la paranoïa, et surtout prendre patience. Car le bad beat n’est que l’arbre qui cache la forêt, la manifestation la plus visible de la chance. Or, quoi qu’il arrive, celle-ci est équitablement partagée à terme. Au final, seules les capacités intrinsèques de chacun feront la différence.

Et pour se rassurer et se consoler, il ne sera pas vain de souligner ici un paradoxe inhérent au bad beat: si vous êtes plus souvent la victime que l’auteur de bad beats, c’est sans doute parce que vous jouez mieux que la plupart de vos adversaires! En effet, c’est tout simplement parce que votre main est plus souvent favorite que celle de vos adversaires en situation de mises importantes ou de ail in préflop. Cela traduit le fait que vous sélectionnez bien vos mains de départ et que vous avez une bonne lecture des jeux adverses, un atout qui jouera inévitablement en votre faveur sur le long terme. Inversement, si vous "donnez" plus de bad beats que vous n’en "recevez", vous pouvez alors raisonnablement vous interroger sur vos talents de joueur de poker!